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Très loin du phrasé accéléré de son prédécesseur, « l’homme pressé » Gabriel Attal, le premier ministre, Michel Barnier, s’est plié mardi 1er octobre à l’exercice de la déclaration de politique générale dans un style délibérément modeste, plus sérieux qu’enlevé, avec un train de sénateur et un souci de ne déplaire à aucun groupe, qui paraissait emprunté aux figures d’un président de Commission européenne.
Ce comportement de passe-muraille n’est pas malhabile dans un contexte si inédit, pour une mission à l’espérance de vie limitée, et sans pouvoir se targuer d’aucune légitimité, ni présidentielle ni issue d’une victoire législative. Terne et flou pour tenir, mesuré pour ne pas décevoir : une stratégie minimaliste adaptée au poids réduit de ses soutiens inconditionnels au sein du Palais-Bourbon.
Le discours de déclaration de politique générale est un exercice de style quasi obligé, le plus souvent un acte rituel, voire un pensum sans conséquence : une seule motion de censure a abouti, le 5 octobre 1962, à l’encontre du gouvernement de Georges Pompidou, en guise de représailles parlementaires contre l’imminente instauration par référendum de l’élection du président de la République au suffrage universel direct. Dans l’histoire des discours de politique générale, la personnalisation et la narration de valeurs ont progressivement supplanté la description programmatique et l’argumentation chiffrée des mesures techniques.
De Michel Debré à Michel Barnier, du 15 janvier 1959 au 1er octobre 2024, l’accueil positif par la presse et par l’opinion publique d’une telle déclaration peut cependant favoriser l’appréciation d’un nouveau style, d’une méthode renouvelée de la direction gouvernementale ou d’un volontarisme réformateur, avec pour modèle l’enthousiasmant Jacques Chaban-Delmas de la « nouvelle société » du 16 septembre 1969, voire la « proximité » revendiquée par Michel Rocard le 29 juin 1988, qui affirmait se soucier de la vie quotidienne des Français et disait « rêver d’un pays où l’on se parle à nouveau ».
Paradoxe, le même Michel Rocard prenait alors acte de son absence de majorité absolue en renonçant à solliciter un vote de confiance, bien avant Elisabeth Borne en 2022, Gabriel Attal en janvier 2024, et désormais Michel Barnier.
Disposer d’une large majorité ne garantit cependant pas une bonne réception du discours inaugural, et des déclarations jugées sévèrement compliquent d’emblée la tâche du premier ministre : le charivari à l’égard du discours catalogue d’Edith Cresson, le 22 mai 1991, ou les menaces accusatoires de Pierre Bérégovoy, le 8 avril 1992, ont fragilisé leur image dans un contexte politique dégradé pour leur camp. Pire encore, sous l’effet du quinquennat, François Fillion en 2007 et Edouard Philippe en 2017 ont subi les outrages d’une dévitalisation de leur déclaration, supplantée et rétrogradée par le discours préalable aux deux Chambres des présidents Sarkozy et Macron.
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